Il y a deux jours déjà que j’ai reçu cette foutue convocation. Je n'ai pas fait la fière devant le papier avec le libellé de la police. t’as bien failli te faire dessus, avoue-le… J’ai pas été tranquille depuis le début de la semaine. Ce monsieur Taylor à déjà été drôlement sympa de me convoquer un mercredi, je vais pas me plaindre. Mais si je retrouve ce client… Je secoue la tête, parce qu’en attendant, je peux pas aller dans un poste de police enroulée dans une serviette tu ferais un tabac Luce ! d’ailleurs, il faut que je garde en tête que je vais entrer dans un poste de police, je peux pas m’y pointer en mini-jupe ni de robe ultra moulante. Les talons… oh ça va j’ai quand même le droit d’aimer être en talon, merde ! Alors je retourne mon armoire pour en sortir un jean, tout ce qu’il y a de plus simple.
C’est trop simple.
Un crop-top, ça me correspond déjà un peu plus et en y réfléchissant… il y a, à peu près, toutes les jeunes femmes de New-York qui s'habillent comme ça. De quoi se fondre dans la masse bien tranquillement.
Habillée, cheveux séchés et coiffés, maquillée, quand faut y aller, faut y aller.

“ Aller Luce, c’est juste un mauvais quart d’heure à passer, t’es une pro du mensonge. ”

C’était sans compter que je ne savais toujours pas quoi raconter comme crac… alors j’ai fait fumer mon cerveau pendant les 40 minutes de métro pour trouver une excuse qui ne soit pas bancale, quelque chose qui passe partout. T’es foutue, ma vieille… je ris nerveusement. On dirait bien que cette fois-ci, cette putain de petite voix à raison.
Quand j’entre dans le poste de police, je regarde longuement autour de moi, regarde d’un bref coup d’œil les personnes déjà présentes dans la salle et m’installe loin de tout ce monde, dans mon coin et fourre mon nez dans mon téléphone une fois avoir mis mes grosses lunettes. Je sors un stylo et un carnet dans mon sac, cherche quelques idées d’activités à faire pour mes élèves, à l’école. Pour ça, pinterest c’est vraiment mon meilleur allié à tel point que je ne vois pas le temps passer, je ne vois pas les gens défiler.

“ Madame Mansfield ? ”

Je me surprends à sursauter, merde, ça fait combien de temps que j’attends ici ? Je fourre rapidement toutes mes affaires dans mon sac et me lève, marmonnant —un peu trop fort—

“ C’est mademoiselle. ”

Je lève le visage et… ma mâchoire se décroche. putain, pas un beau gosse merde ! intérieurement, j’insulte tout ce karma qui semble être contre moi pour ses quelques jours passés et sûrement à venir. Mes cils papillonnent avant même que je n’ ai le temps d’ordonner à mon corps de rester de marbre.
Oups…

Je traverse les couloirs, suivant simplement cet enquêteur avec un cul, gars… mamamia ! Parce que faible comme je suis, le temps de joindre la salle d’attente à la salle d’interrogatoire, les yeux n’ont pas réussi à monter plus haut que son fessier, déjà mal barré… J’entre dans la salle et j’observe tout autour de moi, je reste quand même curieuse, pas tellement l’habitude de me retrouver ici. Même la première fois, depuis que je suis revenu de Nashville.

“ Trop de politesses. ”

Je lève les yeux au ciel, le regarde allumer la caméra. Un tas de scénario se déroule dans ma tête, des scénarios de tous les genres, du plus glauques a carrément plus sexy. Vilaine. Je retire mes grosses lunettes —ouais, je les haïes— ère les range dans leurs étuis. Un bref sourire étire le coin de mes lèvres quand je vois mon calepin rempli d’idées, le poste de police c’est drôlement inspirant en fin de compte.
Je m’assieds sur l’une des chaises, pose mon sac à mes pieds et le regarde —je sais rien faire d’autre— je l’écoute déblatérer son discours, sûrement le même qu’il sort à chaque interrogatoire.

“ Je répète, c’est mademoiselle, j’y tiens. ”

Pas demain la veille que je me marierais. Je me penche au dessus de mon sac fouille pour trouver ma carte d’identité. J’en profite aussi pour pouvoir lui donner toutes les informations qu’il demande, tant qu’il ne me déconcentre pas avec son regard qui semble me fouiller au plus profond de mes entrailles.

“ Luce Mansfield, née le 18 novembre 1997 ici, à New-York. ”

Je me redresse et tend ma carte d’identité. Mes jambes flageolent et je remercie le Seigneur —auquel je ne crois absolument pas— d'être assise. Je m’enfonce dans ma chaise, mordille ma lèvre, assez nerveuse. Une grande inspiration pour retrouver un peu de contenance, me redresse et j’appuie un coude sur la table, ma tête vient se poser dans le creux de ma main, j’affiche un petit sourire.

“ Et vous ? ”

Bien mademoiselle, bla bla bla. J’aurais bien aimé qu’il soit un peu plus sympa que ça quand même. Histoire que ça colle sa gueule d’ange. Apparemment, À New-York, fallait pas trop rêver non plus. On peut pas avoir le beurre, l’argent du beurre et le cul du crémier. Ouais, à la base c’est au féminin mais je me suis approprier le truc, histoire de changer un peu.

“ Savez vous pourquoi vous êtes ici aujourd'hui ? ”

Je bat des cils en le regardant. En fait, j’avais ma petite idée ouais, mais si je jouais la carte de l’ignorante, ça serait sûrement mieux. Logique imparable by Luce. Alors du coup, je secoue très légèrement la tête, mes prunelles plantées dans les siennes.

“ Aucune idée, Monsieur. ”

Merde, rien que de dire monsieur je suis toute chose Putain de karma. Je me délecte de la vue, cette petite barbe de quelques jours qui ferait très certainement fureur sur la peau, je déglutis. Je fais glisser mes yeux sur ses biceps, puis ses avant bras, j’ai l’impression de le liquéfier. J’humecte lentement mes lèvres, la gorge sèche, et je m’enfonce un peu plus dans ma chaise.

“ Ça serait possible d’avoir un truc à boire ? S’il vous plaît... ”

Ma demande ressemble plus à une supplique, une prière ou même une dernière volonté. J’essaie d’éviter son regard, mon cœur complètement retourner, je finis par poser mes mains moites sur la table et tape le bout de mes ongles dessus. Impossible de rester tranquille, je fais trembler l’une de mes jambes avec nervosité.